De mon point de vue, le défaut récurrent de notre profession n’est pas celui de ne pas savoir s’adapter, mais celui de notre incompétence à faire connaître – et donc reconnaître – la valeur ajoutée de notre travail.
Je voudrais reprendre ici quelques points de l’interview de Jean Michel par Bruno Texier, parue dans la revue Archimag de fév. 2008
– affaire de génération ?
Dois-je me considérer comme une “néo-professionnelle” parce que j’ai su intégrer Internet dans ma pratique professionnelle dès qu’il a existé ? non ! j’étais alors et suis restée une “professionnelle” tout court qui s’adapte aux nouvelles pratiques de son métier. Point. Tout simplement.
Quelque soit le sujet, je hais cette opposition systématique et tristement traditionnelle entre anciens et nouveaux. Dans les deux camps il y a ceux qui savent évoluer et les autres. Ce n’est pas une question d’âge mais de tempérament, de culture, de dynamisme et d’optimisme fondamental.
Les ‘anciens’ n’ont pas attendu les mots à la mode pour faire de la veille ou de la gestion des connaissances !
– S’ils n’étaient pas à la hauteur, les “nouveaux” ne trouveraient pas des centres de doc performants à continuer à rendre performants.
– S’ils n’étaient pas à la hauteur, ils/elles ne pourraient assurer aujourd’hui l’évolution des formations ni l’intégration des nouvelles techniques.
Quant à dire “les jeunes que je forme sont à fond dans le web 2.0” j’en connais qui ne le sont pas du tout et des ‘vieux’ qui le sont complètement. La formule est un peu simpliste !
En fait, la seule vraie opposition est celle qui existe entre ceux qui n’évoluent pas et ceux qui évoluent. Mais est-elle réservée à notre profession ? bien sûr que non !
– “nous sommes dans une phase de mutation de notre métier”
Une mutation signifie une changement radical et profond.
Eh bien à mon avis, aujourd’hui, notre profession n’est plus en mutation, elle est en évolution permanente, comme la vie l’est elle-même.
Elle l’a été avec l’arrivée d’Internet qui a bouleversé les liens entre informations / documentalistes / utilisateurs et la nécessité d’intégrer la réalité d’Internet dans la vie de son centre de documentation. Le web 2.0 n’est qu’une amélioration des nouveaux rapports établis par Internet.
Il serait temps de ne plus se regarder admirativement dans une glace en se répétant “je suis un nouveau documentaliste, je suis un nouveau documentaliste” mais de poursuivre l’évolution, sinon nous risquons vite d’être ‘has been’ sans s’en rendre compte.
La mutation est faite. C’est f.i.n.i.
Les affiches des nouveaux documentalistes de l’ADBS ont fait leur temps si toutefois elles ont jamais été une bonne arme de communication. Ne jouons pas les anciens combattants qui s’arc-boutent à leur guerre.
– à propos des organismes qui ignorent ou ne comprennent pas la valeur ajoutée de l’information
Si des chefs d’entreprise n’ont pas encore perçu ou ont mal perçu l’utilité de l’information, cela relève pour beaucoup de la faute des documentalistes eux-mêmes.
Car nous vivons dans une société de communication. Ne pas être capable d’illustrer la valeur ajoutée apportée à l’entreprise par son travail implique obligatoirement sa sous-estimation, voire même sa méconnaissance totale par la Direction.
D’où des non création ou des suppressions de centres documentaires et des salaires qui ne sont que le reflet du ressenti de l’utilité et de la vitalité de nos centres.
C’est donc à nous et à nos associations de relever nos manches. Car les efforts de tous forment synergie positive globale.
– à propos du métier de documentaliste en voie de disparition
Vous noterez que Jean Michel ne dit pas que c’est le métier mais la structure où s’exerce le métier qui peut disparaître.
Que dit-il exactement à propos des documentalistes ?
Le documentaliste, s’il reste un professionnel des années 1960-1990, a ses jours comptés
Et il a complètement raison. Voire même il est un peu en retard car ce type de personnes a déjà disparu s’il était dans un organisme un tant soit peu dynamique. A juste titre.
J’apprécie particulièrement ce qu’il dit à propos de l’évolution de la documentation. C’est la meilleure image que l’on puisse donner de cette évolution :
Il faut comprendre que le documentaliste ne joue plus un rôle de guichetier fournisseur de documents. Il devient un facilitateur de la circulation de l’information dans l’entreprise.
Lorsque Jean Michel précise
– “Le défi à relever est celui du management de l’information si l’on veut éviter l’infobazar“, ou encore
– “Notre fonction est de décloisonner et de jouer un rôle transversal dans l’organisation”
il a absolument raison et c’est en cela que notre métier n’est pas prêt à disparaître.
En conclusion
La diligence s’est transformée en voiture, en train, l’avion s’est fait une belle place dans le monde des transports et les bateaux perdurent. Certes il n’y a plus de cochers, plus de bateliers, mais le monde du transport est plein de vitalité et doit relever le défi du respect de l’environnement.
Eh bien c’est pareil dans notre monde de l’infodoc : le records management a besoin des archivistes et des documentalistes, le monde des bibliothèques s’est ouvert aux BD, disques, CD, DVD… et celui de la documentation a intégré les bases de données, la veille, la gestion des connaissances, le web, le web 2.0, le web 3.0… Quant au monde des archives il est passé de l’âge des sceaux et de l’écriture à l’ère des disques optiques numériques.
Notre défi à nous réside dans l’intégration quasi-permanente de nouvelles pratiques, de nouvelles techniques, de nouveaux outils… ce challenge est-il si irréalisable ? bien sûr que non, nous en apportons la preuve tous les jours.
Alors pourquoi être pessimiste sur le monde de l’infodoc ?? Pourquoi cette interrogation permanente sur nos capacités d’adaptation ?